Giacometti, l'aporie du portrait
Giacometti et le portrait
Giacometti qui se questionne sur le problème de l’existence même du modèle et de l’impossibilité de reproduire ce qui est vu.
Catharsis ?
Dada, les conséquences nihilistes Duchampiennes, ne sont pas loin, mais le peintre suisse refuse de renoncer à une pratique dont il pense pourtant qu’elle sera sans succès. Pour lui la finalité elle même de rendre le motif a perdu son sens.
Tautologies !
D’où cette idée que ces portraits-prétexte durant lesquels il soumettait le modèle au joug de la pose sont tautologiques. Ils ont pour sujet leur processus même, le modèle n’est plus alors qu’un des éléments du processus.
C’est presque une mise en application du principe d’incertitude dans le champ de la création artistique, en l’occurrence picturale. L’interaction elle même rend l’approche indéfiniment inaccessible, dés lors l’expérience devient sont propre mobile un tant soit peu mortifère.
C’est une tautologie butant sur l’aporie de la figuration et le désir compulsif de continuer à exercer sa pratique.
Il y a chez Giacometti beaucoup de Beckett.
« (…) il faut continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer, je vais donc continuer, il faut dire des mots, tant qu’il y en a, il faut les dire, jusqu’à ce qu’ils me trouvent, jusqu’à ce qu’ils me disent, étrange peine, étrange faute, il faut continuer, c’est peut-être déjà fait, ils m’ont peut-être déjà dit, ils m’ont peut-être porté jusqu’au seuil de mon histoire, devant la porte qui s’ouvre sur mon histoire, ça m’étonnerait, si elle s’ouvre, ça va être moi, ça va être le silence, là où je suis, je ne sais pas, je ne le saurai jamais, dans le silence on ne sait pas, il faut continuer, je ne peux pas continuer, je vais continuer. » – Samuel Beckett, L’innommable, Les éditions de Minuit, 1953
Auteur : Thierry Grizard