Chiharu Shiota mémoire de sang et fils d'Ariane
Chiharu Shiota Biennale de Venise, Pavillon Japonais
Chiharu Shiota (Née en 1972 à Osaka, Japon. Vit et travaille à Berlin, Allemagne) crée des lieux vidés de toute présence humaine, de toute présence physique mais où littéralement les fils de la mémoire, les empreintes temporelles viennent tisser des toiles archéennes qui lient les objets inertes au temps passé, à des instants, des présences qui n’existent plus que dans la mémoire.
Dans « The Key In The Hand », installation représentant le Pavillon Japonais à la Biennale de Venise, 2015, Shiota met à nouveau en scène les traces mémorielles de l’intersubjectivité. Ici, elle représente une pluie de clés qui tombent de l’oubli dans deux barques délabrées qui semblent vouloir se rejoindre. Un seul fil rouge sang pour un trousseau de clés rouillées, marquées par l’usure, le passage du temps. Chaque trace temporelle traverse littéralement l’espace.
Chacun de ces fils individuels, isolé, échoue soit dans une des deux barques – on est à Venise, il s’agit peut-être d’une métaphore des canaux traversés par les innombrables gondoles à travers le temps – soit s’abîme au sol, dans la déréliction et l’oubli. Ces clés sont évidemment très fortement chargées symboliquement. Il peut s’agir tout aussi bien de la clé qui ouvre des portes comme de celle qui scelle des secrets. Ce peut être également la clé de la maison qui rassemble comme celle qui enferme.
Mise à jour ! En savoir plus sur Chiharu Shiota, voir notre article: « Simplicité et évidence ».
A chacun d’y déposer son propre ressenti du moment. Le « visiteur » se déplace donc dans un magma rouge sang, compact quoique aérien, aussi délicat et fragile que les empreintes de la mémoire. Le léger bruissement des fils et des clés, les pas des autres individus qui effleurent ce nuage spatio-temporel de la mémoire sont comme autant d ‘échos intimes.
C’est la grande réussite des œuvres de Chiharu Shiota. Elles fonctionnent à partir d’une symbolique universelle, plutôt banale et ouverte à de multiples interprétations. L’aspect immersif, intime des installations de l’artiste japonaise est particulièrement efficace.
Le plus étonnant est que les petites pièces sont toutes aussi puissantes quant à leur pouvoir émotionnel. Elles fonctionnent comme des autels personnels dédiés aux traces indélébiles et impalpables de notre mémoire.
Repères chronologiques:
- Née en 1972 à Osaka, Japon.
- Vit et travaille à Berlin, Allemagne.
- 1992-96 Kyoto Seika University, Japon.
- 2017: Exposition personnelle, « Where are we going? », Le Bon Marché, Paris, France
- 2016: Exposition personnelle, « Sleeping is like death », galerie Daniel Templon, Bruxelles, Belgique.
- 2015: Exposition personnelle, « The Key in the Hand », Pavillon du Japon, 56ème Biennale de Venise.
- 2013: Exposition personnelle, « Installation In Silence », Art Basel Unlimited, Bâle, Suisse.
- 2001: Exposition personnelle, « Under the Skin », Pruss & Ochs Gallery, Berlin, Allemagne.
- 2000:Exposition personnelle, « Breathing from Earth », Kunstraum Maximillianstrasse, Stadtforum Munchen, Munich, Allemagne.
- 2000: Exposition personnelle, « Bathroom & Bondage », Projectroom ARCO, Madrid, Espagne.
- 1995 : Exposition personnelle, « My existence as a physical extension », Hounenin Temple, Kyoto, Japon.
- 1994 : Exposition personnelle, « Becoming painting », Australian National University, Canberra School of Art, Canberra, Australie.
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Auteur : Thierry Grizard