Lavinia Fontana, une femme peintre au 16° siècle
Lavinia Fontana est une de ces femmes peintres, réputées en leurs temps, que l’histoire officielle de la peinture a négligées et que des historiens de l’art ont récemment exhumées de l’oubli, à juste titre. Auto-portrait à l’épinette, Lavinia Fontana, huile sur toile, 1577, Rome, Accademia Nazionale di San Luca
- Artiste : Lavinia Fontana
- **Epoque :**16°
- **Naissance & mort :**1552 – 1614
- Datation : 1600 – 1610
- **Médium :**Peinture
- **Titre :**Mars et Vénus.
- **Description :**Huile sur toile
- Conservation : Fundación Casa de Alba, Madrid**.**
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Lavinia Fontana, Mars et Vénus, note critique :
Lavinia Fontana est l’une des premières femmes peintres « professionnelles » en Europe à avoir accédé à la reconnaissance à une époque, la fin du 16° siècle italien, où celles-ci n’avaient aucune réelle indépendance. Il était courant que les femmes peignent, en particulier des sujets « mineurs », des portraits familiaux, des natures mortes, pour le loisir, aucune n’était donc peintre de profession. Or Lavinia Fontana est considérée comme étant la première femme à avoir eu un véritable atelier et à répondre à des commandes officielles, tout particulièrement hors du champ limité de la fratrie.
Lavinia Fontana, huile sur toile, 1600 – 1610, Madrid, Fundación Casa de Alba
Lavinia Fontana (née en 1552 à Bologne, morte en 1614 à Rome) est issue d’une famille bolonaise. Prospero Fontana, son père, était un peintre maniériste (fortement inspiré par Pontormo) reconnu de la contre-réforme, il travailla notamment pour le pape Jules III. Sa fille s’est donc formée dans son atelier, ce qui lui donna l’occasion de rencontrer non seulement d’autres artistes mais aussi des collectionneurs et mécènes.
En 1577, elle épousa un artiste peintre de deuxième ordre, Gian Paolo Zappi (élève du père de Lavinia Fontana) qui, constatant le succès de son épouse, renonça à sa propre carrière pour devenir son assistant et surtout l’intermédiaire masculin par l’entremise duquel elle pouvait honorer des commandes et faire connaître son travail.
Il est à noter que la ville de Bologne était alors plus libérale que les autres cités européennes à l’égard des femmes, en particulier en ouvrant les portes de son université aux femmes dès le 13° siècle.
Or Lavinia Fontana rencontre rapidement un succès significatif auprès, tout d’abord, d’une clientèle féminine, puis des nobles italiens mais également des dignitaires de la cour papale et personnalités politiques ou artistes célèbres pour lesquels elle exécute des portraits.
La notoriété de Lavinia Fontana se déployant, elle obtint des commandes institutionnelles lui permettant de se confronter à des sujets plus ambitieux, dans des formats de grandes dimensions, tels que des tableaux d’autels, ou retables commandés par le pape Grégoire XIII puis, après son installation à Rome en 1603, par le pape Clément VIII (Lapidation de saint Etienne). Des travaux qui étaient exclusivement réservés aux hommes, au même titre que les sujets historiques.
Néanmoins, le fait le plus remarquable concernant la longue carrière de Lavinia Fontana, est qu’elle peignit des sujets mythologiques où figuraient des nus, notamment des nus féminins. Elle est d’ailleurs l’une des toutes premières à avoir pu le faire. « Minerve s’habillant » (1585-1613) est de ce point de vue une de ses œuvres emblématiques.
Lavinia Fontana, Minerve s’habillant, 1613, Galerie Borghèse, Rome.
La facture maniériste de Lavinia Fontana se caractérise par un luxe de détails soulignant le rang, la richesse et l’élévation intellectuelle du modèle afin d’asseoir, par le mécénat artistique, son prestige. Les portraits sont donc fréquemment compassés, hiératiques et soumis à une surcharge symbolique forte.
Le tableau mythologique « Mars et Vénus » (huile sur toile, 1600-1610) porte cette inclination à son comble en y introduisant de surcroît une probable anecdote d’ordre privé entre l’artiste et son commanditaire.
L’iconographie de « Mars et Vénus » est très riche et plutôt redondante.
On y voit Mars à demi dénudé abandonnant ses attributs guerriers au sol, avec, en outre, une surcharge symbolique d’ordre sexuel, l’épée étant dirigée vers Vénus ainsi que la pointe du bouclier.
Les pantoufles déchaussées précipitamment, explicitement offertes au désir de Mars, sont également orientées vers le regardeur, telle une invitation incongrue.
La fleur tenue délicatement par la déesse de la Beauté, apparemment une marguerite, se réfère à son nom. En effet en latin « margarita » désigne une perle, un attribut mettant en avant son aspect érotique. Ce qui est confirmé par le collier et les boucles d’oreille portés par Vénus, qui renvoient à la fécondité, les plaisirs de la chair mais aussi le luxe dans ce cas de figure.
Une action vers laquelle les protagonistes se portent en franchissant le garde-corps à balustre (un autre symbole phallique) qui les sépare du lit où Cupidon s’est assoupi.
Quant à l’amphore métallique (un matériau plus martial que la terre cuite souvent utilisée pour de semblables accessoires) elle rappelle le caractère mythologique de la scène. Il s’agit également du récipient pouvant contenir du vin et donc symbole dionysiaque par excellence.
Mais, le plus étonnant réside dans le regard de Vénus tourné vers le spectateur, faisant penser non seulement à une invite mais aussi à une provocation étrangement espiègle, procurant à l’ensemble une note presque triviale et ancrée dans le temps présent.
Auteur : Thierry Grizard